Rappel du contexte :
L’industrie cimentière est une très grosse consommatrice d’énergie, thermique (charbon, coke de pétrole, fioul lourd,…) pour la cuisson du calcaire, le séchage, mais aussi d’énergie électrique pour le broyage, le transport des matériaux par tapis, le mélange des composants du ciment…
Pour cette raison les industriels œuvrent par tous les moyens à réduire leur facture énergétique.
Pour la part d’énergie thermique les combustibles de substitution offrent cette possibilité, quant à la partie énergie électrique leur discours est de demander sans relâche le maintien d’une énergie électrique à un prix compétitif pour constituer un atout concurrentiel de premier plan par rapport à d’autres pays d’Europe ou l’électricité est beaucoup plus chère qu’en France (propos sur l’énergie électrique relevé en partie dans publication du SFIC).
1-Les combustibles de substitution c’est quoi ?
Ce sont des déchets, la liste est variée : farines animales, graisses animales, pneus, plastiques, huiles usagées, résidus de peintures et de solvants boues de station d’épuration résidus de broyage automobile, refus de tri (objets en plastique non recyclables), sciures de bois traités…
A partir de ces déchets on réalise ce que l’on appelle des Combustibles Solides de Récupérations (CSR). Ils sont définis par une norme NF-EN-15359. Cette dernière permet de distinguer les CSR des autres combustibles dérivés de déchets en fixant des critères de qualité.
Ils se substituent principalement aux combustibles fossiles comme le charbon, le coke de pétrole…. utilisés par les installations de co-incinération telles que les cimenteries.
2-Intérêts que présentent l’utilisation des combustibles de substitution
Le grand intérêt de ces combustibles est qu’ils jouissent d’un agrément spécifique dérogatoire et très avantageux pour les cimentiers. En effet, les émissions de Co2 liées à leur utilisation (incinération), ne sont pas comptabilisées (JO des communautés Européennes 31/12/1994) comme rejet à l’atmosphère).
De ce fait on comprend aisément l’enthousiasme des cimentiers à ce que la filière des Combustibles Solides de Récupération (CSR) se développe.
En effet une partie importante de ces déchets (bois, carton, papier, textile, latex contenu dans les pneus, boue d’épuration), dit « carbone biomasse », ne seront pas comptabilisés pour le paiement de la taxe carbone. Seuls les combustibles (charbon, pétrole et ses dérivés, gaz, etc.), dit « carbone fossile » seront taxés.
(le CO2 d’origine biomasse ne contribue pas à l’effet de serre, conformément aux recommandations du GIEC et à l’annexe IV de la directive ETS 2003/87/CE).
Les industriels auront donc tout intérêt à « brûler » des CSR avec un taux de biomasse maximum pour être taxé le moins possible.
Illustration, c’est ainsi qu’en juillet 2017 Holcim-Lafarge premier producteur de ciment en France a annoncé un investissement de 100 millions d’euros dans sa cimenterie Martre-Tolosane située près de Toulouse. Cet investissement permettra d’utiliser à horizon 2020 80% de combustible de substitution dans cette usine (communiqué de presse LafargeHolcim du 3 juillet 2017) .
Autre exemple :
« Plus grande cimenterie de France (1,3 million de tonnes par an, 170 salariés directs) l’usine Lafarge de Saint-Pierre-la-Cour (Mayenne) se prépare un avenir toujours plus vert. Son taux de substitution de combustibles fossiles, actuellement de 60%, pourra être porté à 83% grâce à la construction d’un nouvel atelier de valorisation de déchets solides broyés (plastiques, cartons, papiers, textiles…) inauguré ce jeudi 17 mars 2016. L’investissement, qui se chiffre à « une dizaine de millions d’euros » selon Nicolas Meyre, directeur écologie industrielle du groupe, a été soutenu par une contribution de l’Ademe à hauteur de 900 000 euros.»(source L’Usine Nouvelle-Publié le 18/03/2016 À 16H44-Franck Stassi).
Premier bénéfice, la baisse programmée pour les années à venir de 2% des quotas gratuits de Co2 entrainera à émission constante une augmentation de la part du Co2 soumis à la taxation, là encore le recours aux CSR sera un atout pour endiguer l’effet baisse des quotas.
Deuxième bénéfice, selon un projet du gouvernement actuel, la taxe carbone applicable aux émissions de CO2 pourrait atteindre 100€/tonne à échéance de 2030 là encore cela justifie pleinement le recours aux CSR pour échapper à cette augmentation de taxe carbone
Troisième bénéfice, ces déchets dont l’état souhaite se débarrasser sans pour autant comme par le passé les enfouir seraient en priorité valorisés comme matériau (Loi de transition énergétique) alors que le reste serait destiné aux CSR.
« Le plan déchet du ministère de l’écologie estime le gisement de CSR à 2.5 millions de tonnes dont un million de tonne devrait être valorisées. Cela signifie que l’on paiera les cimentiers pour qu’ils incinèrent ces déchets dans leur four.
« L’industrie cimentière produit en France environ 17 millions de tonnes de ciment par an (donnée 2015). Dans le cadre de son procédé de fabrication, la cuisson de la matière première, nécessite environ 1 300 000 TEP*/an d’énergie, dont 38% provient de la valorisation énergétique de déchets.
Les cimenteries françaises se sont engagées dans un contrat de filière à atteindre un taux de substitution énergétique de 50% à l’horizon 2020 » (source SFIC : l’Industrie cimentière et la réduction des émissions de CO2).
3-Quid du prix des CSR ?
Les conditions de cession des CSR constituent un secret bien gardé. Selon diverses sources, les producteurs de CSR paieraient de 0 à 30 euros par tonne livrée, en fonction de la qualité du CSR (pouvoir calorifique, teneur en chlore, humidité et de la concurrence locale». Au premier rang des consommateurs on trouve les cimentiers. qui réalisent là, une belle opération financière.
Ainsi, la fourniture de CSR est considérée par les gestionnaires de déchets comme une méthode d’élimination des déchets peu onéreuse.
Actu-Environnement.com – Publié le 09/02/2015
Conclusion
Derrière le discours actuel aux accents écologiques (élimination des déchets CSR) l’industrie cimentière française use de tous les stratagèmes pour conserver ses profits.
La réalité est qu’elle reste une des industries mondiales parmi les plus polluantes de la planète.
Rappelons que la production de 1Kg de ciment engendre l’émission à l’atmosphère :
d’environ 0.9 kg de CO2, gaz en partie responsable du dérèglement climatique,
d’autres polluants (Nox, oxyde de soufre…) néfastes pour la santé humaine.
Vous trouverez ici uneprésentation sur ce sujet aux élus de Juziers et Gargenville Septembre 2017.