Une enquête publique vient de se terminer concernant les 76 Communes rassemblées dans la communauté de commune dite GPS&O, aux franges du Grand Paris. Elle se promettait de recueillir démocratiquement les avis concernant la répartition de l’habitat, des activités, des transports dans le secteur aval de la vallée de Seine et des coteaux et vallons environnants. Elle se promettait d’étudier et projeter au mieux les conditions de vie et l’environnement bordant la grande métropole pour les années à venir. Il y figurait explicitement le maintien des industries mentionnées comme ressources locales.
Ce plan d’aménagement a été initié il y a une dizaine d’années. Les « ressources locales » étaient principalement des industries implantées dans les années de la reconstruction après- guerre et du développement de l’automobile. Disparues peu à peu au fil des politiques salariales et des possibilités de la mondialisation, elles laissent un habitat concentré – ce qui n’était pas le cas lors de leur implantation – et une cimenterie. L’industrie est facteur de richesses, cela est indéniable. Ressource locale par la redistribution puisqu’elle garantit les salaires de ses employés, certes. Mais incontestablement certaines activités sont plus consommatrices de ressources et hautement polluantes et pourtant elles sont maintenues dans ce plan. Il est urgent de corriger.
Un article récent – et percutant – de Jean Gadray dans le Monde diplomatique daté de Juillet 2019 nous permet de lire à propos du développement industriel :
« Cette industrialisation à très hauts gains de productivité, célébrée comme le cœur des « trente glorieuses », a produit des dégâts (ou « externalités ») sociaux, sanitaires et écologiques identifiés dès les années 1970. L’empreinte écologique de l’humanité a alors commencé à dépasser la capacité de la nature à fournir les multiples ressources renouvelables englouties dans la production matérielle, et les émissions de carbone dans l’atmosphère ont dépassé le seuil de déclenchement du réchauffement climatique. »
La cimenterie de Gargenville émet du CO2 au-delà des normes définies par les conventions de la COP 21. Non seulement c’est connu, mais c’est entériné et encouragé par un décret prolongeant l’autorisation de pollution. Est-ce admissible ?
De surcroît, pour poursuivre son activité, l’entreprise projette l’exploitation de gisements de calcaire et pour cela :
- Entamerait un bassin agricole au détriment du paysage, vallons et cultures visibles dans un rayon de 15 km
- Décaisserait 47 millions de T de très bonnes terres arables pour atteindre le calcaire
- Pour cette opération de découverte, éliminerait une nappe phréatique dite superficielle et une zone humide naturelle
- Mettrait en danger une nappe phréatique profonde (lutétien) qui malgré les réserves émises par les diverses commissions d’étude ne serait pas véritablement préservée
Les encouragements qui se poursuivent autour de cette industrie dépassée par les conditions actuelles du développement et les avancées du réchauffement climatique est hautement contestable.
Nous lisons plus loin dans l’article de Jean Gadray :
« Désormais, industrialiser en visant des gains de productivité signifie le plus souvent déshumaniser l’activité et détruire l’environnement ainsi que le climat. » Et surtout dans la Note 8 du même article, après avoir rappelé l’objectif « zéro émission nette » pour l’industrie : « Les émissions nettes sont la différence entre les émissions de carbone et- la séquestration ou capture de carbone, essentiellement par la nature ( forêts, sols vivants, océans) qui fait cela très bien … si on ne la détruit pas. »
Outre l’émission de CO2, le transport par véhicules camions est producteur de gaz à effet de serre, alors que la destruction de biomasse terres et bois , autant de puits de carbone, est au programme de cette exploitation. Bien sûr, le permis d’exploiter soumis à de nombreuses commissions trouve la parade aux avis de destruction annoncée. Une zone humide de compensation serait réalisée au nord de la zone convoitée, des noues et des bassins de décantation se chargeraient de filtrer et acheminer l’eau libérée par les travaux. L’eau en question est retenue dans les couches de terrain dites « sables de Fontainebleau » et affleure lors de résurgences dans les champs dont les agriculteurs actuels se félicitent pour leur excellente qualité. Une épaisseur de terre de 17 à 31 m et le calcaire sont actuellement les filtres qui reçoivent l’eau de pluie avant qu’elle ne rejoigne la nappe phréatique dans un bassin captant qui alimente 65 000 habitants ( Entre Sailly et les Mureaux avec une communication vers Poissy). Que faut-il penser de la promesse de substitution à ces filtres naturels de noues et bassins de décantations ? Les eaux superficielles mêlées aux eaux de l’exploitation seraient conduites directement à la rivière Montcient dont on sait que le fond argileux ne permet pas l’élasticité d’absorption nécessaire sous un climat où les évènements pluvieux sont irréguliers.
La promesse de rendre 80% de la surface à l’agriculture ne peut vraiment faire illusion. Du fait, de l’excavation et autres remaniements du relief, la surface arable serait diminuée de 20 % mais en plus de cette perte de surface, la perte en qualité serait considérable. Actuellement, une épaisseur de limons souples permet des conditions de culture satisfaisante, une retenue d’eau mesurée, un bon enracinement. Le contact avec la roche mère garantit le renouvellement du sol en minéraux. La promesse de retour à l’agriculture est celle d’ étalement sur 1,5 m d’épaisseur d’un sol dont on a fort à craindre que les conditions d’exploitation et de stockage auront complètement appauvri les qualités, quelque soient les mesures de surveillance prises par la Chambre d’Agriculture pendant la période des travaux ( Trente ans).
Pendant ce temps, la France est en surproduction de ciment. Les cimenteries des Hauts de France qui alimentent actuellement les travaux d’aménagement du réseau Eole ne parviennent pas à équilibrer les demandes et leur production excédentaire.
Intensifier les constructions dans le bassin avoisinant la capitale et y maintenir les industries sera une erreur tant que les reconversions n’auront pas su se tourner vers des activités moins consommatrices d’énergie, moins productrices de CO2, affranchies du fret routier. Une industrie consommatrice des ressources du sous-sol et destructrice de forêt, de terres agricoles et mettant en danger les ressources en eau est particulièrement à bannir.
Les mises en garde de l’agence pour l’environnement, les alertes lancées par les précédentes enquêtes, les réserves émises par la Chambre d’agriculture restent bien en deçà du danger imminent. Il faut arrêter ce plan qui ne voit pas la réalité de la destruction des biomasses et le danger combien plus durable que le développement qu’il prétend soutenir.
A propos du PLUi GPS&O qui vise le maintien d’une cimenterie à Gargenville et l’extension de carrières pour l’alimenter. A propos de l’article de Jean Gadrey – Réconcilier l’industrie et la nature – Le Monde diplomatique – Juillet 2019. C. Luuyt le 22 Juillet 2019